jeudi 9 août 2007

La Lampe et le Papillon
(fable)

Le Papillon volait - toujours papillon vole -,
Se trouva trompe à bec de la Lampe à pétrole.
L’ardent lépidoptère en perdit la raison :
Notre grand Roi Soleil, Hélios et Phaéton
Près de votre clarté sont plus falots que Nyx,
Et je me fais l’effet d’un sinistre bombyx !
La robe pourpre et feu qui subit vos soupirs
Fait de vous, grâce aux dieux, le plus libre porphyre,
        Répondit poliment la Lampe,
        Priant que l’agité décampe.
L’avide Papillon frôle l’incandescent ;
Il se brûle un bout d’aile, il y revient pourtant.
        Sa fougue est son apocalypse
        Dont la Lampe sera l’éclipse
        A son pétrole défendant.
        L’insecte a le chagrin vibrant :
J’étais né pour le feu quand je suis la poussière,
Mais puisqu’il faut mourir, que ce soit de lumière.
Minute Papillon ! Délicat, lumineux,
Mordoré, libre et fier : que n’êtes-vous heureux !
Tente encor le quinquet pour parer le naufrage.
L’allumé parpaillot n’entend plus que sa rage,
Il volette et voltige à l’assaut du foyer,
Ivre du feu sacré qu’il voudrait capturer.
        Aveuglé du rayonnement
        Du pétroleux fanal fumant,
        Il s’y jeta, puis s’embrasa
        Si bien qu’il se carbonisa
        - Et paf ! - mi cendre mi fumée,
        Sous l’œil de l’idole, ennuyée.
Sort du bec de la Lampe en place d’oraison
Cette froide épitaphe à feu le Papillon :
Mieux vaut broyer du noir qu’en flammes rayonner
Et voir en soi le feu sans aller s’y brûler.

        La morale est affaire étrange,
        Plutôt deux qu’une nous arrange.
        Ces doctes mots sur le défunt
        Ne furent pas ceux de la fin.
Un sépulcral filet jaillit du tas de cendre,
Voletant et crachant à qui voulait l’entendre :
Faux phare emperruqué bon à jouer les catins,
Ce n’est pas à l’aveugle à montrer le chemin !

Octobre 2004

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