mercredi 15 août 2007

"... comme on aimerait que le soit le pain"

Voici un petit texte, comme une feuille portée par le vent, en guise de remerciement à tous les auteurs des messages déposés dans ma boite aux lettres électronique ou ailleurs. Un petit texte qui, je l'espère, sera le préambule d'un réel échange par l'intermédiaire de ce blog. N'en disons pas plus pour l'heure... Il faut être plusieurs pour échanger, pour partager, "partager ces œuvres comme on aimerait que le soit le pain", ainsi que me l'écrivait naguère l'un de mes amis. Que serait la vie sans les amis ? Le texte qui suit parle des nuits sans souffle d'hier, la fragile éclaircie d'aujourd'hui leur doit beaucoup.

Le bateau

Il est des nuits profondes, où le noir du ciel et le noir de la mer ne forment qu'un unique et pesant fardeau qui emprisonne le bateau, perdu, seul, au milieu du désert. Et il est parmi ces nuits des nuits où le vent tombe, comme affaissé lui aussi sous le poids de l'obscurité. La voile devient vide de sens, sans souffle pour la gonfler, sans espoir pour l'emplir et la faire vibrer. Alors elle se replie et le bateau ne peut plus avancer. Il erre, seul, perdu dans sa nuit, balloté par les vagues qui le font danser et se jouent de sa fragilité. Le bateau pleure de cette danse dont il est le pantin étourdiment manipulé.
Mais pourtant dans ces nuits, il est aussi de tout petits points lumineux et tremblants. Ils étaient là, déjà, confiants et sereins, observant, bienveillants, le bateau avancer. Ils ont vu la voile se replier, et le bateau s'arrêter, ils l'ont vu se noyer sous le poids de son obscurité. Attentifs et inquiets, les petits points se sont tous mis à clignoter, plus fort encore, concentrant leur lumière pour la porter vers le bateau, et l'appeler, et lui montrer le chemin, lui indiquer le port qui l'attend, là-bas, dans le lointain. Mais tellement loin.
Le bateau les a vus. Et il sait dans sa nuit qu'il lui faut espérer. Dans cette terrifiante obscurité, les petits points fragiles ont gagné encore en intensité. Il en est des bleus, il en est des bruns, des verts aussi, des gris, et de très sombres. Certains sont ronds, d'autres plus allongés. Tous ont le même éclat. L'éclat de vos yeux.
Le bateau n'entend encore que le sinistre clapotis des vagues sur sa coque. Il ne peut que pleurer sa voile tristement repliée. Il ne peut que sentir le froid de la nuit envahir sans un bruit son pauvre corps épuisé.
Mais il pose ses yeux sur le faisceau lointain des petits points chaleureux qui clignotent sans fin, et sans jamais se lasser, qui appellent tendrement, et disent de tout l'éclat de leurs yeux colorés la chaleur apaisée que bientôt il pourra doucement regagner.

12 décembre 2000

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