mardi 6 novembre 2007

Le Poucet dormant : théatre d'un conte de fées ?

Quelques mots sur le prochain spectacle de l'option théâtre du lycée François-Truffaut...
Il était une fois un Poucet dormant. Ce spectacle est une libre adaptation qui mêle quatre contes de Perrault : La Belle au Bois dormant, Le Petit Chaperon rouge, La Barbe bleue et Le Petit Poucet.
Tous les petits enfants aiment bien que leur maman leur raconte une belle histoire avant d’aller au dodo, n’est-ce pas ? Une de ces histoires qui font un peu peur, mais pas trop, et qui finissent bien de préférence. Et ils ne sont pas les seuls. “Si Peau d’Ane m’était conté, / J’y prendrais un plaisir extrême. / Le monde est vieux, dit-on ; je le crois, cependant / Il le faut amuser encor comme un enfant” écrivait notre bon vieux Jean de La Fontaine[1]. Qu’est-ce qui fascine donc dans ces contes que la transmission orale a porté, de générations en générations, par la voix des nourrices et des mères-grands, jusqu’à nos oreilles blasées d’aujourd’hui ? On a beau les connaître par cœur, on ne s’en lasse pas.
On frémit et on tremble avec ces frères Poucets errant dans la forêt. On voudrait joindre notre voix à celle de la malheureuse épouse de Barbe Bleue qui interroge sa sœur : “Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ?”. On rêve au baiser différé de cent ans que le prince pose sur les lèvres de la Belle au Bois dormant. On attend avec un frisson mêlé de crainte et de joie secrète le fameux “C’est pour mieux te manger mon enfant !” du loup qui va ne faire qu’une bouchée du naïf petit Chaperon rouge. À travers ces contes, c’est toute la part d’enfance qui s’éveille en chacun. S’ils fascinent, c’est aussi parce qu’ils mettent en œuvre des structures symboliques qui n’ont pas d’âge et qui dépassent les époques. C’est que le plaisir de l’histoire tient autant au merveilleux qu’à la peur. C’est enfin parce que le manichéisme des personnages construit une représentation du monde qui, simple sans être simpliste, en ordonne la compréhension.
Mais notre Poucet dormant déborde des canevas bien connus de ces quatre contes. La machine à histoires s’emballe. Les frontières explosent, les personnages se retrouvent plongés dans une nouvelle aventure pas vraiment prévue dans le programme initial. Surtout qu’en plus, d’étonnants intrus débarquent... Des personnages arrivent directement de chez Grimm pour envahir Perrault ! La vilaine belle-mère de Blanche-neige vient offrir ses pommes empoisonnées à tout le monde, les sept Poucets se déguisent en autant de nains. Le grand Charles, qui voudrait bien trôner au milieu de ses personnages, a toutes les peines du monde à maintenir un semblant d’ordre dans ce qui devient vite une vraie pagaille. L’affaire se corse... et le spectateur découvre une autre histoire qui tisse une nouvelle toile avec les fils des contes originaux.
Quoi qu’il en soit, l’univers du Poucet dormant, comme celui des contes de Perrault, nous raconte toujours que l’innocence pure et naïve est la proie facile des monstres de tout poil qui, comme chacun sait, ne manquent pas, quelle que soit l’époque. Vu comme ça, c’est facile. Mais si on y regarde d’un peu plus près, on peut se demander si l’innocence est aussi innocente que ça. On s’empresse bien vite de croquer la pomme empoisonnée, on cède bien tôt aux avances des loups manipulateurs, on résiste bien peu à la séduisante richesse d’une Barbe bleue… “Je suis la plaie et le couteau ! […] Et la victime et le bourreau !” chantera bien longtemps après Perrault un autre Charles[2]. L’homme est assez doué pour se forger tout seul son propre malheur. Et sans aller jusqu’à la facile confusion de la victime et du bourreau, on sait bien que les loups, ogres et sorcières n’existent pas que dans les contes de fées. Un terme bien impropre d’ailleurs : on y rencontre bien plus de monstres sanguinaires et pervers que de jolis anges gardiens armés de baguettes magiques. Comme dans la vraie vie quoi !

[1] Jean de La Fontaine - "Le pouvoir des fables" - VIII, 4
[2] Charles Baudelaire - "L'héautonimorounéos" - Les Fleurs du Mal

Extrait de la pièce

2 commentaires:

Anonyme a dit…

pour ta culture ! 1 article sur 1 blog que je consulte très souvent (analyse d'images, de tableaux, d'affiches) :

http://laboiteaimages.hautetfort.com/archive/2007/11/11/des-cles-et-des-serrures.html

Anonyme a dit…

meilleurs voeux, hé ! Catachrèses !