JC, c'est pas Jésus-Christ, c'est Jean-Claude, un vrai amoureux des mots...
Les mots
A ces mots emportés, ballottés, malmenés,Tous ces mots dévoyés, indécemment vidés,
Ces mots qu’on a laissé se perdre sans retour,
Qui par trop méprisés ne sont plus un secours ;
A tous ces mots vendus, abandonnés, errants,
Dispersés par les vents et livrés aux tourments,
A tous ces mots mourants qui traînés dans la boue
Agonisent sans bruit, accablés de dégoût ;
Mozarts assassinés de n’avoir pu, l’espace
D’un son privilégié, dessiner une trace
Dans le silence ému de l’attente du chant,
Porter en eux plus qu’un déplacement de vent ;
A tous ces mots noyés sous le flot du verbiage,
Bâillonnés par les bruits, bavards, les cris — Ma rage
De les voir sans espoir sombrer dans le chaos
D’un monde où le discours égorge sans repos
Jusqu’à son propre enfant qu’il fait se prostituer,
Qu’il laisse au caniveau de son insanité
Pour mieux lui retirer dans sa triste démence
Le trésor avili dont il nie l’existence — ;
A ces mots-là, mes mots, à vous, mes seuls amis,
Dont la fidélité jamais ne m’a trahie,
Uniques compagnons qui m’avez tout donné,
Qui m’avez tout offert, et sans rien demander ;
A vous tous, vous sans qui je tenterais toujours,
Comme l’amant blessé quête encore l’amour,
Espoir désespéré, source à jamais tarie,
D’effleurer malgré tout l’impossible harmonie ;
A vous seuls, qui m’avez si souvent rassurée
Du vide étourdissant de la foi dérobée,
En me murmurant que, par l’encre de son sang,
La parole donnée jamais ne se reprend ;
A ces mots méprisés qui m’ont livré cent fois
Tendrement, doucement, et presque malgré moi,
L’évidence cachée mais par eux révélée,
Le sens enfin trouvé de la route éclairée ;
A ces mots je voulais, dans son exactitude,
Dire enfin l’essentiel, confier la plénitude
De leurs baisers posés qui pèsent sur ma bouche
De tout leur poids de sens, quand plus rien ne me touche.
Novembre 2000
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire