samedi 4 août 2007

Platon C-728

Il faut d’abord que je vous présente celui qui m’a nourri de sa tendresse et aidé à quitter le tendre duvet de l’enfance ; celui qui m’a porté jusqu’à ce que j’atteigne ma taille adulte, et m’a soutenu plus longtemps encore ; celui grâce à qui j’ai pu m’envoler vers l’azur du ciel et découvrir la vaste étendue de la mer ; celui qui m’a donné le goût du vent, des voyages, et du sel de l’océan ; celui qui m’a permis de plonger dans la transparence liquide des eaux nourricières et de m’émerveiller devant les trésors enfouis au cœur de leurs entrailles. Bref, il faut que je vous parle de mon père.

Je dois avouer que c’est avec une grande fierté que j’évoque l’illustre auteur de mes jours. Le fil de ma plume, c’est-à-dire le plus intime de mon moi, prend une certaine assurance, un rythme quasiment épique au tracé du souvenir de ce héros au sourire si crochu. Ses débuts dans la vie ne furent guère faciles. Il parvint cependant, contrairement à quatre-vingt pour cent des nourrissons de sa génération, qui moururent lors de leur première — et unique — année de vie, à franchir le cap dangereux entre tous de la tendre enfance. En raison de cette infantile et massive hécatombe, les parents, sagement prévoyants, ne baptisent pas leurs rejetons avant le début de leur deuxième année, ce qui leur évite une perte de temps de même qu’un attachement affectif inutile. Mon père fit donc partie des heureux rescapés qui reçurent officiellement un patronyme. Il appartenait à une illustre famille, dont la noblesse remontait à la nuit des temps. Sa race, déjà, faisait de lui un être supérieur dont la pureté et la grandeur restent souvent ignorées du commun des mortels. Le phalacrocorax aristotelis domine par les envolées fulgurantes de son intelligence l’ensemble des espèces vivant sur cette terre. Les héroïques battements d’aile de sa pensée l’élèvent vers les cieux de l’idéal et il est plus proche de l’Olympe que de la bauge commune dans laquelle croupit le reste des êtres vivants. Aïe, ça y est, cette évocation paternelle m’entraîne malgré moi vers des sommets lyriques et ma plume se laisse emporter par un feu oratoire dont l’ardeur va peut-être désappointer mon prosaïque lecteur. Calme-toi, fougueuse plume, et retrouve le paisible tracé d’une narration qui doit rester accessible à la médiocre sensibilité littéraire de ton lecteur moyen. [...]

La nouvelle complète

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